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Intelligence artificielle et industrie musicale sont-elles sur le même tempo ?

L’arrivée d’une IA dans l’industrie de la musique nous a fait causer aux pauses café de l’agence.Un peu plus particulièrement avec Stéphane Néraud, account manager expérimenté sur l’IA et musicien affirmé.

En l’espace de quelques jours, le premier rappeur virtuel FN Meka a réalisé 2 premières mondiales :

👉
Il est la 1ère intelligence artificielle à avoir signé un contrat réel avec une fameuse maison de disques.
👉 Il est la 1ère intelligence artificielle à avoir été remerciée réellement par une fameuse maison de disques.

Au-delà des polémiques légitimes, on s’est dit qu’on pouvait apporter notre pierre au débat en partageant nos échanges. Pas de conclusion hâtive, juste la volonté de participer à cette réflexion qui nous semble passionnante et déterminante.

Stéphane, qu’as-tu pensé à l’annonce de la signature d’une intelligence artificielle chez un label musical renommé ? 
Ma première réflexion est centrée sur le use case. Techniquement, il n’y a rien de nouveau sous le soleil : une intelligence artificielle alimentée avec des volumes massifs de données générés par l’audience (Spotify, Deezer, Youtube, etc.) afin d’identifier les profils et les patterns, et proposer le contenu adéquat.

Si cette actualité a de quoi faire sourire, elle pose pas mal de questions autour :

  • De la paternité des « œuvres » …
  • De l’art et de la créativité qui à mon sens ne peuvent être que profondément humains.
  • De l’audience et son rapport à la musique (ou au marketing?)
  • De l’industrie musicale plus globalement, qui depuis près de 4 décennies forge l’écoute des gens, non plus en proposant de la qualité mais du formaté. Fut une époque où l’audience faisait émerger des stars, désormais, les labels créent des stars.

Es-tu étonné ou ça devait arriver, c’est la suite logique ?
A mon sens il n’y a rien d’étonnant. Il me semble que l’industrie musicale a toujours été fortement et très rapidement impactée par les nouvelles technologies : MP3, Peer-to-peer, plateforme de streaming audio… Si à cela, on ajoute l’emprise du marketing sur cette industrie dès les années 80 avec l’avènement des clips et de MTV … Alors, on peut parler de suite logique.
Après tout, il y a quelques années, une intelligence artificielle s’est bien lancée dans la peinture, pourquoi pas dans la musique?!
L’humain ou l’équipe marketing,  n’a plus besoin d’analyser des données pour formater/créer de la musique ou un artiste, il lui suffit de quelques clics pour qu’une technologie qui peut apprendre par elle même et ingurgiter des volumes de donnés inhumains fabrique un produit rémunérateur.

Un bien ou un mal pour la musique ?
Tout dépend de l’appétence et de ce que l’on cherche dans la musique. En tant que passionné de musique, et musicien moi même, je pense qu’à l’instar de certaines productions qui ont fait un carton malgré leur extrême pauvreté musicale, une IA qui compose de la musique est ce que le fast food est à la gastronomie…

Un bien un mal pour la création musicale ?
La création musicale va simplement végéter, entrer en hibernation. On parle ici de créer de la musique en se basant sur de l’existant, sur ce qui a plu au plus grand nombre (déjà formaté par cette industrie).
Mais la machine n’invente pas, elle calcule, elle fait des statistiques et propose un résultat.
Donc, on ne regardera plus vers l’avant, mais en arrière pour composer, j’en déduis que l’innovation ou l’émergence de nouveaux styles seront simplement impossible.
Par ailleurs, la création musicale est affaire de sensibilité et d’émotions. Quand Beethoven compose ses symphonies malgré son handicap, je pense que son objectif est de retranscrire ses émotions et provoquer celles de l’audience, je ne suis pas persuadé qu’un jour une IA pourra en faire autant. On va donc rester sur de l’analyse et des probabilités …

Pour l’instant, FN Meka n’interprète pas ses morceaux (l’IA n’a pas cordes vocales), donc l’IA a toujours besoin d’un humain ? Pas d ‘autonomie totale ? 
Techniquement, si ce n’est pas possible aujourd’hui (?), je pense qu’une machine pourrait très bien récupérer des sons (banques RSE (Realistic Sound Engine) ), des mots issus de chansons existantes pour se créer « un référentiel » et façonner un morceau. Dès lors, la machine deviendrait autonome.

Les ingénieurs travaillent sur la possibilité de lui faire interpréter ses morceaux, est-ce possible ou on touche aux limites de l’IA ?
Je pense surtout qu’on arrive ici aux limites de la musique en tant qu’art. Comme je le précisais je pense que c’est tout à fait envisageable. L’IA a juste besoin de banques de sons. Mais rappelons que le mot art (et par extension artiste), tire sa racine du latin ars qui signifie « habileté, connaissance technique … »
En conclusion, la musique demande un enseignement musical et des connaissances techniques que l’intelligence artificielle ne possèdent pas (comme bon nombre de “champions du streaming” d’ailleurs…)

Est-ce la fin des paroliers, compositeurs, musiciens humains ?
Absolument pas. Il y aura toujours des passionnés qui auront besoin d’aller chercher plus loin que ce qui est médiatisé à outrance, de chercher de la qualité, de la créativité … Du talent !
Concrètement, ça fait bien longtemps que les médias ne s’intéressent plus à la crème des musiciens ou aux artistes les plus créatifs … pour autant, ça ne les empêche pas d’exister, de remplir des salles ou des stades, de sortir des albums régulièrement en physique ou en digital, et de susciter des vocations.

L’IA est-elle une menace pour le travail/les emplois des humains ?
Dans ce contexte, je ne pense pas. Aujourd’hui, les « artistes » français les plus streamés sont souvent des one man band, des hommes à tout faire, du choix des samples, à l’enregistrement, en passant par le mixage et le mastering … la technologie y est pour beaucoup.
Quelque part c’est positif car cela permet à de « jeunes » artistes/formations de s’auto produire car le coup d’un studio et d’un ingénieur du son reste rédhibitoire, quand on débute … Il n’empêche qu’il n’y a rien de mieux qu’un spécialiste et sa sensibilité, c’est pour cela qu’aujourd’hui encore, malgré les innovations technologiques que nous connaissons, bon nombre de formations françaises choisissent de faire mixer et masteriser leurs œuvres par de grands noms états-uniens.

Quel est l’objectif pour un si gros label de signer une IA ?
Le même que le label qui signe une taupe qui chante, ou un enfant en bas âge qui nous raconte la complexité de la vie d’un bébé … un coup marketing.
Force est de constater que c’est un pari réussi puisque l’on en parle !

A qui appartiennent les droits d’auteur et toutes les recettes générées par cette IA ?
J’aurais tendance à penser que recettes et droits d’auteurs sont pour la personne qui est à l’origine du concept, voire qui a paramétré, ou contribué à entraîner l’IA (sélection des jeux/sources de données).

 Alors on parle de musique mais connais-tu d’autres réalisations en cours où les IA pénètrent la sphère réelle ?
L’expérimentation autours de l’IA n’en est qu’à ses débuts ou au mieux à la fin de ses débuts, aujourd’hui, nous avons de l’intelligence artificielle qui se lance en politique au Danemark, en France, elle détecte les cancers ou remplace des Psys, elle rédige des articles … On peut aussi citer le cas des voitures autonomes, de l’industrie 4.0 et de l’IoT couplé à de la maintenance intelligente, ou plus basiquement, des conseillers et services après-vente remplacés par des agents conversationnels intelligents … Les use cases ne manquent pas.

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